
Né à Poitiers par faits de guerre (10 janvier 1945), Gilles Walusinski est resté parisien. Un auteur éminent de la revue La Révolution Prolétarienne, ami de son père, lui offre à l’âge de 7 ans un appareil photo en bakélite. Si une image prise par son père en témoigne, sa première photographie d’un cygne sur le lac du parc de Sceaux a disparu. Fils d’enseignants, atteint de la malédiction du bon élève, il poursuit sur sa lancée des études de physique qui l’amèneront dans le laboratoire d’André Lallemand à l’Observatoire de Paris. Impossible d’oublier qu’il passait les diapositives pendant son cours au Collège de France pour témoigner de l’invention du capteur numérique par ce savant un peu trop oublié. Le photographe de l’Observatoire à qui il avait confié son envie de devenir photographe tenta de le décourager. L’école qu’on surnommait Vaugirard prétendait former à ce métier mais les tentatives d’en écœurer ses élèves furent anéanties par des États Généraux du Cinéma et de la Photographie, en mai 1968 dans ses locaux insalubres. Chance de rencontrer deux amis, Gisèle Freund, Jean Lattes et plein d’illustres futurs confrères.
La révolution n’avait pas donné les fruits attendus, Malraux avait voulu virer Henri Langlois de la Cinémathèque. Ce jour là, devant lui Jean Luc Godard avait taggé Malraux = Göbbels sur le mur. Devenu photographe il n’imaginait pas ne pas défendre son métier, sa passion. Henri Cartier Bresson préside les associations professionnelles, Roger Pic le secrétaire général lui présente Gilles Ehrmann dont il sera l’assistant. Ehrmann travaille pour la photothèque de l’EDF aux mains d’un groupe de surréalistes recasés, des amis comme Jacques Veuillet, JeanLouis Bédoin. Gilles permet à Gilles de commencer à photographier des centrales électriques et des barrages, un bel apprentissage du travail à la chambre grand format (1972-1976). À l’été 1972 un ami, Roger Lapeyre l’invite dans sa maison de Conques, le village dont il fera le portrait. Le reportage documentaire est sa passion première, en 1974, Marc Riboud lui entre-ouvre la porte de l’agence Magnum. Il s’y fera des amis, il n’oublie pas Éric Schwab à qui il doit l’expérience d’un reportage sur l’arrivée d’Alexandre Soljenitsyne chez Heinrich Böll dans les collines de l’Eifel (Allemagne). Cela lui confirmera sa préférence de l’indépendance.
Entre 1973 et 1975 il travaillera sur le Larzac et alentour pour les producteurs de Roquefort.
C’est Gisèle Freund qui le sélectionnera pour la première commande publique sur le Patrimoine – depuis 1851…- ; il exposera au Centre Pompidou en 1980 son travail sur le Périgord et notamment les moulins à papier qu’il avait découverts. En 1975 il avait accompagné un ami peintre à côté d’Angoulême au moulin de Puymoyen. Il retrouvera le papetier Jacques Bréjoux en 2010 toujours en activité, à la pointe du papier pur chiffon.
Dès 1982 il sera administrateur de l’association Patrimoine Photographique créée par le Ministère de la Culture pour gérer les donations de photographes à l’État. Avec ses amis HCB et Agathe Gaillard il aidera André Kertész à préparer sa donation. Puis ce sera Willy Ronis avec Jean Lattes. La rencontre en 1979 du rédacteur en chef de L’Architecture d’Aujourd’hui, Marc Émery signera le départ de nombreuses missions à photographier l’architecture, notre paysage urbain. En 1982 et 1992 deux commandes importantes lui permettent de travailler sur le port et la ville de Brest, sur sa population pauvre.
Il y aura un petit livre, Quotidiens pluriels en 1982 suivi d’un autre en 2019 aux Éditions Autonomes, La ville, les pauvre, le port.
C’est un le soir du 31 juillet 2016, en allant prendre la métro à la Mairie de Montreuil qu’il vit treize familles rroms et une nuée de très jeunes enfants camper là. Il était 22h , le matin ils avaient été expulsés par la police du lieu qu’ils habitaient dans le quartier de la Boissière. Les jours suivirent les jours et les nuits, il fallait photographier la vie de ces familles devenues aussi des amies, témoigner et accompagner la mobilisation importante qui s’installait dans la durée.
