Carnaval de Mayence 1976, jour des enfants
Un après-midi à Mayence
Cette année là, fin février 1976, un ami photographe avait une importante commande de l’entreprise étatsunienne IBM, montrer le travail dans les usines du groupe en Europe. Devant l’importance du contrat il avait jugé utile de me demander de l’accompagner. Après Amsterdam nous avions rendez-vous le mardi 2 mars à l’usine de Mayence au bord du Rhin. Arrivés devant l’entrée de l’usine au petit matin, surprise, le gardien nous montre le parking désert et nous annonce l’usine fermée pour cause de carnaval. On nous fait comprendre que l’Amérique n’a pas son mot à dire, le carnaval à Mayence c’est sacré, quatre jours gras de fête excluent tout travail. Un coup de téléphone au bureau IBM de Paris difficile à faire avaler.
C’était la première fois que je revenais en Allemagne. À partir de 1957 avec mon professeur d’Allemand du lycée Voltaire, Peter Siegfrid Villain j’ai parcouru les villes allemandes au cours de voyages d’échanges. Une famille de la ville de Stade près de Hambourg était devenue l’amie de la mienne. En septembre 1957 j’avais visité, conduit par mon professeur, l’usine Leitz à Wetzlar. J’y ai vu fabriquer le Leica M3 que je n’ai pu me payer qu’en 1971, d’occasion.
En 1974 Marc Riboud s’était intéressé à mon travail bien que je n’avais encore que très peu bourlingué… J’avais conforté mes souvenirs allemands en achetant un tirage splendide du notaire de Cologne, Herr Dr. Quinke, photographié en 1924 par August Sander. Toujours en 1974 j’avais acheté le livre Die Deutschen de René Burri que j’aimais côtoyer à l’agence Magnum (édition suisse originale de Die Deutschen préférée à l’édition Delpire en français…).
Ce matin là, mardi gras de carnaval, jour de joie pour les enfants,
j’avais deux boîtiers Leica M3 munis de leurs 35 et 50 mm et annoncé à mon ami qu’il s’imposait de profiter de notre chômage technique. L’après-midi fut pour moi l’occasion de tenter un regard sans doute moins objectif que personnel sur cette fête dont je ne comprenais que ce que j’en voyais.
Si le cri du carnaval est Helau!, j’avais compris que les personnages déguisés “à la tradition“, perchés sur des voitures clinquantes jetaient aux enfants des bonbons en papillote, c’était leur jour.
La liesse populaire permettait de photographier sans appréhension les situations un tantinet grotesques sous le nez des fêtards. Se poster devant la moto d’un policier tendant un bras comme pour un Heil pensé Heilau!. Il était coutume de dire que neuf mois après le carnaval, d’heureux évènements survenaient, certaines rencontres me faisaient plus penser à de lourdingues dragues qu’en 2021 on qualifierait d’agressions…
Wikipédia n’hésite pas à écrire que le carnaval présente des aspects politiques et littéraires et qu’en règle générale, même au cours des discours humoristiques du carnaval, on se moque sans outrepasser la bienséance : on est tolérant tout en restant engagé.
En relisant mes planches contact, je me souviens de mes intentions malignes, un peu déçu de ne pouvoir mieux montrer la ville que par le décor de la fête, de deux images de lendemain démontant la fête foraine un mercredi de cendres…
G W , Septembre 2021